La relance du dialogue franco-algérien peut répondre à une urgence, celle du gaz, mais il n'est pas sûr qu'elle puisse s'inscrire dans une problématique sécuritaire et stratégique de long terme. La république algérienne n'a cessé, en effet, de renforcer les liens déjà anciens entretenus avec Moscou, et la visite du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, le 10 mai dernier, a précédé celle d'Emmanuel Macron en août. Le partenariat stratégique avec la Russie, qui reste le premier fournisseur d'armes d'Alger, a été amplement renouvelé, avec, notamment, l'organisation d'exercices militaires conjoints dans le Sahara en novembre dans le cadre… de la lutte antiterroriste. Avec l'arrivée des mercenaires de l'agence Wagner au Mali voisin, que les troupes françaises ont quitté, à la demande de la nouvelle junte militaire au pouvoir, il n'est rien de dire qu'en dépit des belles promesses échangées entre Emmanuel Macron et Abdelmajid Tebboune, la position française est totalement à la merci d'un revirement algérien. Les échecs militaires en Ukraine pourraient d'ailleurs pousser la Russie à renforcer plus encore sa présence en Afrique et sa coopération avec l'Algérie, au détriment des Français.
Contrairement à l'Algérie, extrêmement ambivalente, le Maroc est un allié historique de l'Occident, et l'expression n'est pas vaine si l'on considère que le royaume chérifien, dont la création remonte à 789 ap. J.C., avec la fondation de la
ville de Fès, qui devient capitale du nouveau royaume en 791, a été le premier état à reconnaître l'indépendance des États-Unis d'Amérique en 1777. La «relation spéciale» entretenue entre les États-Unis et le Maroc est, de fait, presque aussi ancienne que celle entretenue entre le Royaume-Uni lui-même et ses anciennes colonies. Ce fait historique, associé à la réalité géographique, fait à l'évidence du Maroc un pont entre l'Afrique, l'Europe et l'espace transatlantique. Avec 3500 kilomètres de côtes, le Maroc est le seul pays d'Afrique à disposer à la fois d'une façade atlantique et méditerranéenne, et la politique de Mohamed VI, roi du Maroc, monté sur le trône en 1999, est résolument tournée vers la consolidation de l'influence marocaine en Afrique, mais aussi des liens avec les diverses puissances européennes et américaines.
Certaines de ces puissances l'ont bien compris et en premier lieu, l'Espagne. Les deux pays entretiennent une frontière terrestre commune, grâce aux enclaves de Ceuta et Melila sur la côte marocaine, mais aussi une frontière maritime commune puisque les côtes marocaines ne sont situées qu'à quatorze kilomètres du point le plus proche sur la côte espagnole et de l'ilot du Persil. En 2002, la tentative d'annexion de l'îlot par le Maroc avait généré une crise diplomatique de grande ampleur entre les deux pays mais les choses ont bien changé depuis. Le 20 mars dernier, l'ambassadrice du Maroc en Espagne, Karima Benyaich, déclarait que son pays appréciait le soutien de l'Espagne à la proposition marocaine d'autonomie du Sahara
«dans sa juste valeur», et a souligné que désormais une
«nouvelle étape» s'ouvrait en ce qui concerne les relations entre les deux pays. Les relations entre les deux nations se sont en effet améliorées au point de pouvoir évoquer une véritable lune de miel diplomatique entre Madrid et Rabat.