Que cache la décision de l’Algérie de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc ?
L’Algérie a annoncé mardi la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc voisin, accusant le royaume « d’actions hostiles » à l’égard d’Alger.
Rien ne va plus entre l’Algérie et le Maroc. Lundi, Alger a annoncé, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra, mettre fin à toute relation diplomatique avec le royaume chérifien. « L’histoire a montré que le royaume du Maroc n’a jamais cessé de mener des actions hostiles à l’encontre de l’Algérie », a-t-il expliqué.
Un vent froid soufflait depuis plusieurs mois entre les deux frères du Maghreb aux relations traditionnellement difficiles depuis des décennies sur fond de conflit sur le Sahara occidental. Les raisons de cette mauvaise humeur algérienne sont multiples. Une série d’épisodes récents ont conduit aujourd’hui à cette rupture.
Alger dénonce le soutien de Rabat aux organisations indépendantistes de Kabylie (région berbérophone au nord du pays, à l’est d’Alger). Les autorités algériennes accusent le Maroc de les avoir encouragés à réclamer leur droit à l’autodétermination. Durant une réunion virtuelle des pays non-alignés qui a eu lieu à New York les 13 et 14 juillet, l’ambassadeur du Maroc auprès de l’ONU a soumis aux pays membres une note dans laquelle il a estimé que le peuple kabyle en Algérie mérite « plus que tout autre de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination ».
Une déclaration qui n’a pas été du goût du pouvoir algérien. Alger avait alors décidé de rappeler en consultation son ambassadeur à Rabat. Les autorités algériennes ont également accusé, sans preuves, Rabat d’avoir aidé deux organisations, le Mak (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie) et le mouvement islamiste Rachad, – classées comme terroristes par le pouvoir algérien – mis en cause, là aussi sans preuves, d’être impliquées dans les incendies meurtriers qui ont ravagé le nord du pays au début du mois d’août, faisant plus de 90 morts.
Aussi,
Alger a très mal pris les propos du chef de la diplomatie israélienne Yaïr Lapid qui a exprimé, lors d’une visite officielle le 12 août à Casablanca, ses « inquiétudes au sujet du rôle joué par l’Algérie dans la région, son rapprochement avec l’Iran et la campagne qu’elle a menée contre l’admission d’Israël en tant que membre observateur de l’Union africaine (UA) ». Le ministre algérien des Affaires étrangères a accusé la diplomatie marocaine d’être l’instigatrice de ces propos « injustifiables ».
Enfin, les révélations du consortium Forbidden Stories et Amnesty International selon lesquelles le Maroc aurait eu recours au logiciel israélien Pegasus pour espionner des responsables et des citoyens algériens ont contribué à exacerber le ressentiment d’Alger.
Sahara occidental
Mais
les raisons de cette tension sont bien plus profondes et remonte à 1963, au début des indépendances des deux pays, lors de la « guerre des Sables » à propos du tracé des frontières et qui a laissé des traces. Lorsque l’Espagne, qui colonisait le Maroc a quitté le pays, Rabat a réclamé la partie du
Sahara occidental qui faisait partie du royaume chérifien sous plusieurs dynasties
. L’Algérie de son côté a soutenu le mouvement du Front polisario sahraoui qui revendiquait l’indépendance du Sahara occidentale. Le 7 mars 1976, le Maroc a rompu ses relations diplomatiques avec l’Algérie après la reconnaissance par Alger de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), autoproclamée par le Front polisario.
Aujourd’hui Rabat, qui contrôle près de 80 % de ce vaste territoire désertique (le reste étant contrôlé par le Front polisario), riche en phosphates et avec de fortes ressources maritimes (pêche), propose un plan d’autonomie sous sa souveraineté. Le Polisario continue de réclamer, avec l’appui de l’Algérie, la tenue d’un référendum prévu par l’ONU au moment de la signature d’un cessez-le-feu entre les belligérants en 1991. Toutes les tentatives de règlement du conflit ont jusqu’à présent échoué. L’ONU considère le Sahara occidental comme un « territoire non autonome » en l’absence d’un règlement définitif.
La normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël en décembre 2020, en contrepartie d’une reconnaissance américaine par l’administration Trump de la « souveraineté » marocaine sur le Sahara occidental, a remis de l’huile sur le feu et ravivé les tensions avec l’Algérie, qui a dénoncé des « manœuvres étrangères » visant à la déstabiliser.