Le 22 mai 2010, le
Mavi Marmara quittait le port de
Sarayburnu, à
Istanbul, dans une tentative de percer le blocus israélien contre
Gaza, qui avait débuté en 2007.
Une semaine plus tard, au sud de
Chypre, il ralliait le reste de la flottille humanitaire, qui comptait trois navires de passagers et trois cargos transportant de l’aide humanitaire essentielle ainsi que 700 activistes.
Le blocus, auquel s’ajoutent trois guerres dévastatrices contre la bande de
Gaza entre 2008 et 2014, a détruit le gagne-pain des
Palestiniens avec un taux de chômage élevé, une grande difficulté d’accès à l’eau potable, aux médicaments, et un fonctionnement très rationné de l’électricité sur tout le terrirtoire de l’enclave.
En 2015, les
Nations unies ont mis en garde contre le risque de voir
Gaza inhabitable en 2020, si les tendances économiques et le blocus en cours devaient persister.
Neuf jours après le départ de la flottille d’aide en 2010, des commandos israéliens attaquaient le
Mavi Marmara afin de l’empêcher de poursuivre sa route, bien qu’il fût toujours dans les eaux internationales.
Neuf activistes étaient tués et un dixième devait succomber plus tard à ses blessures.
« Personne ne s’attendait à ce que ça se termine de cette façon », dit
Rifat Audeh, qui a 45 ans.
« Je pense que nous croyions vraiment pouvoir atteindre Gaza. » Il décrit l’atmosphère à bord, avant l’attaque, comme exultante.
« Les gens chantaient et s’échangeaient des histoires. Nous étions venus de 35 pays différents dans l’espoir partagé d’aider autrui. On aurait dit que nous étions une grande famille », ajoute-t-il.
La situation avait commencé à se tendre la veille de l’attaque. Selon
Audeh, les autorités israéliennes avaient élargie la superficie de la zone militaire océane afin d’empêcher la flottille d’atteindre
Gaza. Avigdor Lieberman – ministre israélien de la
Défense, à l’époque, et actuel ministre des
Affaires étrangères – avait déclaré que la flottille était une
« provovation », ajoutant qu’on l’empêcherait
« à tout prix » d’atteindre
Gaza.
« Mais, même alors, nous avons pensé que les Israéliens allaient simplement essayer de nous faire peur ou d’entraver la poursuite de notre voyage – mais pas tuer dix personnes », dit Audeh.
L’attaque du Mavi Marmara
Il décrit l’effrayante succession d’événements qui s’étaient déroulés vers 4:30 h du matin, le 31 mai.
« Il était tard la nuit et il faisait tout à fait sombre. Pour commencer, des soldats israéliens à bord de zodiacs (canots gonflables) ont tenté de monter sur le navire, mais nous avons essayé de les en empêcher en les aspergeant d’eau », dit-il. « Nous essayions juste de nous défendre avec le peu de moyens dont nous disposions. »
Audeh se rappelle avoir vu des soldats descendant en rappel depuis des hélicoptères et « faisant feu sans discrimination ».
Audeh se souvient d’avoir été jeté au sol et piétiné par des soldats israéliens avec une telle brutalité qu’ils lui avaient fracturé des côtes. Ils lui avaient lié les mains derrière le dos avec tant de violence qu’il avait pensé qu’ils allaient lui briser les bras, après quoi ils lui avaient couvert les yeux d’un bandeau.
« Même après s’être assurés du contrôle du navire, les soldats ont continué à battre les activistes, sans permettre au moindre d’entre nous d’avoir à manger ou à boire, ou de se servir de la salle de bain », dit-il.
La sauvegarde des prises de vue
Audeh s’était arrangé pour sauvegarder des images filmées à bord avant et pendant le mitraillage, ce qui allait lui permettre de produire le documentaire indépendant qu’il a achevé à la fin de l’an dernier.
« J’avais rallié le groupe en tant qu’activiste, mais je filmais aussi autant que je le pouvais parce que j’espérais réaliser un documentaire sur le voyage. Toutefois, suite à l’attaque, le film a pris une tout autre tournure », dit l’ancien ingénieur mécanicien