Affaire Legras : la légitime défense devant les assises
Victime, martyr, puis héros. En six ans, un garagiste de Villenauxe-la-Grande, près de Troyes, sera passé par toutes les étapes de la canonisation sociale.
Héros, il l'est devenu le samedi 20 novembre 1982 lorsque a été connu son acquittement. Dans la salle d'audience de la cour d'assises de l'Aube, à Troyes, l'ovation qui salue l'énoncé du verdict n'a rien à voir avec la sérénité de la justice ou le Code pénal.
Dialectique
Car, pendant les deux jours de ce procès retentissant, le débat s'est réduit à une dialectique subtile entre les tenants du Code, et ceux qui partagent d'abord l'avis des braves gens.
Les faits sont archiconnus de tous les participants (Journal de l'année 1978-79visitéTexas
Mais, le 21 novembre 1976, René Vermeulen et André Rousseau, deux bûcherons désœuvrés, entrent de force dans la maison. Ils finissent par découvrir le transistor piégé. L'explosion tue le premier, arrache un œil au second.
En mai 1976, le tribunal correctionnel de Troyes condamne Lionel Legras à 8 mois de prison avec sursis pour blessures et homicides involontaires. La toute nouvelle association Légitime Défense
De victime, le voilà devenu martyr. Avec ses soutiens, il n'aura de cesse d'obtenir une inculpation d'homicide volontaire avec préméditation, c'est-à-dire un procès en assises, où, il en est certain, les jurés populaires l'acquitteront.
Ce ne sera pas un procès de juristes. Les voisins, les maires du canton défilent à la barre pour dresser un portrait de l'accusé qui ne peut que toucher les cinq hommes – trois agriculteurs et deux retraités – et les quatre femmes qui composent le jury. « Ce père de cinq enfants, travailleur infatigable », « ce brave type non violent » explique lui-même que son but était de « marquer » ses visiteurs, afin de les confondre quand ils iraient se faire soigner.