Terrorisme : de plus en plus de «solo-djihad»
Au contraire de la doctrine du loup solitaire, qui a vivement été battue en brèche, on assiste à une recrudescende de «solo-djihad», à savoir des partisans de Daech qui passent à l'acte seuls, sans ordre.
C'est un concept plebiscité par la gendarmerie. Fin avril, Hubert Bonneau, commandant du GIGN, le répétait: «on s'est trompés sur la définition du loup solitaire». La thèse selon laquelle un individu se radicalise et passe à l'acte seul, sans être dirigé depuis l'extérieur, était privilégiée en 2012, au moment de l'affaire Mérah. Depuis, le «solo-djihad», ou «terrorisme de franchise», une forme de terrorisme décentralisé, gagne du terrain. Alors que Daech s'affaiblit au Moyen-Orient, les attentats sont perpétrés par des individus qui agissent seuls, avec une organisation minime pour s'assurer des moyens logistiques, mais qui ont prêté allégeance à Daech. C'est, selon les premiers éléments de l'enquête, le mode opératoire qui semble se dessiner pour l'assassinat des deux policiers dans les Yvelines par le djihadiste Larossi Abballa. Ce jeune homme de 25 ans aurait prêté allégeance à l'État islamique trois semaines avant de passer à l'acte, selon le procureur de Paris François Molins. «N'importe qui peut passer à l'acte, sans ordre préalable. Le terrorisme est alors décentralisé, s'appuie sur des foyers extérieurs tels que le Sahel, l'Irak, la Syrie qui délivrent des modes d'emploi», appuie Eduardo Rihan-Cypel, député PS de Seine-et-Marne et vice-président de la mission d'information sur les moyens de Daech, qui a lui aussi utilisé le terme «solo-djihad» pour qualifier les événements de Magnanville, «un concept plus large que le loup solitaire». «Le solo-djihad se caractérise par une autonomie dans la décision, et dans l'organisation», poursuit-il. Mohammed Merah, Amedy Coulibaly, les frères Kouachi rentreraient selon l'élu dans cette catégorie.
Mathieu Guidère, spécialiste de l'État islamique, parle de son côté «d'uberisation du terrorisme», pour définir le même concept. «Il existe trois catégories de soldat sous Daech: les combattants qui viennent de Syrie et d'Irak, les étrangers qui viennent faire leur hijra (partir s'installer sur des terres musulmanes pour pratiquer un islam sain, Ndlr) et rejoignent l'État islamique et les soldats du califat qui sont des individus qui prêtent allégeance au groupe terroriste, depuis l'étranger», détaille l'islamologue.