Attentat de la Préfecture de police : une défaillance majeure de l’Etat
Mickaël Harpon, l’auteur de la tuerie du jeudi 3 octobre à la Préfecture de police de Paris, a eu un comportement qui aurait dû alerter ses supérieurs.
Editorial du « Monde ». Si, en matière de menace terroriste, le risque zéro n’existe pas, il y a des signes de radicalisation qui sont autant d’alertes. Un rapport de quatre pages de la direction du renseignement de la Préfecture de police de Paris (DRPP), où était employé Mickaël Harpon, l’auteur de la tuerie du jeudi 3 octobre, qui a poignardé à mort quatre fonctionnaires avant d’être tué par un policier, montre que son comportement était pour le moins suspect. Cet informaticien de 45 ans, qui travaillait au sein même du service de renseignement chargé de détecter la radicalisation, s’était ainsi réjoui, en janvier 2015, de l’attentat contre Charlie Hebdo. « C’est bien fait », avait-il lancé. Les collègues de M. Harpon, qui s’était converti il y a plusieurs années à l’islam, avaient noté alors des changements de comportement vis-à-vis des femmes.
Ces signes de radicalisation ont été portés à la connaissance de la hiérarchie policière, mais ils n’ont fait l’objet d’aucun signalement formel et sont restés lettre morte. Christophe Castaner, le ministre de l’intérieur, qui a fait preuve de la même précipitation et de la même imprudence que lorsqu’il avait dénoncé, mal à propos, en mai, une attaque de « gilets jaunes » contre l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, avait déclaré beaucoup trop rapidement que le tueur « n’avait jamais présenté de difficultés comportementales ». Dimanche, sur TF1, M. Castaner s’est appuyé sur ce rapport interne de la DRPP pour affirmer : « Aucun élément sur une quelconque radicalisation n’apparaît dans son dossier administratif. » Mais, a-t-il ajouté, « s’il y a eu des fautes, il faudra les corriger. S’il y a eu des erreurs, il faudra les sanctionner ».
Impression de cafouillage
Coauteur avec Eric Poulliat, député LRM, d’un rapport parlementaire sur « les services publics face à la radicalisation » rendu public en juin, Eric Diard, député LR, a indiqué que, sur les 43 000 agents de la Préfecture de police, « quinze sont surveillés pour radicalisation ». Mais, à première vue, M. Harpon « n’était pas dans les écrans radars ». Face à la gravité de cette attaque au cœur de l’Etat, Edouard Philippe a diligenté deux missions sur la radicalisation des agents chargés de la lutte antiterroriste. Cela ne dissipe pas pour autant l’impression de cafouillage née des premiers propos de M. Castaner, qui a semblé dépassé par les événements. Le premier ministre lui a réitéré sa confiance, mais il apparaît, à nouveau, très fragilisé.
A l’évidence, d’après les premiers éléments de l’enquête, il y a eu des failles et des dysfonctionnements importants. Le fait que, au cœur même de l’appareil d’Etat, un agent affecté à la lutte contre le terrorisme, qui fréquentait des personnes proches de milieux salafistes, en soit venu à perpétrer un attentat criminel pose de graves questions. En dépit des propos inadmissibles tenus en 2015, M. Harpon a pu continuer son travail de maintenance informatique comme si de rien n’était, ses supérieurs observant qu’il n’y avait « aucun souci » avec lui et le rapport de la DRPP relevant qu’il n’y a pas eu de « difficulté particulière » dans son comportement. Face à ce qui apparaît aujourd’hui comme autant de signes avant-coureurs, surtout dans un lieu aussi stratégique, il y a eu un aveuglement de l’Etat, une défaillance majeure.