Un article de 2008 très intéressant...toujours d'actualité non?
Combattre l’islamophobie : l’oubli catastrophique de la gauche radicale
Fin juillet 2008, Nouredine Rachedi se fait tabasser par un groupe d’hommes qui lui ont préalablement demandé s’il était musulman. Le même mois on refuse la nationalité française à une femme musulmane, citant sa « pratique radicale de sa religion » perçue comme étant « incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française et, notamment, le principe d'égalité des sexes » . En mai un libraire qui vend des livres sur l’islam à la Grande Braderie d'Evry (mairie PS) est viré par la police municipale qui l’accuse d "incitation à la foi". En mai aussi, encore une mosquée est attaquée (incendiée cette fois) près de Toulouse. Enfin, en avril dernier plus d’une centaine de tombes musulmanes sont profanées à Arras.
Que fait la gauche ?
L’essentiel de ces évènements a suscité extrêmement peu de réactions à gauche en France. Où sont les défilés de solidarité avec les musulmans, où sont les dénonciations de l’islamophobie par les politiciens, les chanteurs, les personnalités ? Comment l’expliquer ?
Selon un sondage CSA de 2007, 44% des français (et 49% des sympathisants de l’extrême gauche !) considère l’islam comme ayant « des effets négatifs sur l’identité française » Trente trois pour cent des français considèrent que « les musulmans menacent l’identité française ». C’est la « menace » perçue la plus fréquemment (26% pensent que les Roumains menacent notre identité, 21% les Africains, 8% les Juifs, 7% les homosexuels...). Le racisme anti-musulman est devenu le racisme acceptable en France aujourd’hui. Mais, si ici ou là on voit des tentatives isolées de contrer ces préjugés, aucune organisation de gauche ne s’y attaque directement.
L’égalité des droits pour tous doit être un principe pour les anticapitalistes. Mais les croyants musulmans ne disposent pas des mêmes droits que les croyants chrétiens. La difficulté d’ avoir l’autorisation de construire une mosquée amène des centaines de milliers de croyants à prier dans des caves et des garages. Entre temps, les jours de fête chrétiens sont fériés, les écoles privées catholiques disposent de fonds publics sans commune mesure avec celles des autres religions…
Des livres sensationnalistes tels de Caroline Fourest, ou les déclarations anti-islam de Michel Houllebecq, sont bien plus médiatisés que des études sérieuses sur l’islam français. Des revues comme Le point ou L’Express se posent en donneurs de leçons, sommant les musulmans d’ « abjurer les archaïsmes les plus flagrants de leur dogme ». Le danger islamique serait permanent : « Il faut réguler le prosélytisme de l'islam » peut-on lire, et on nous parle du danger de l’islamisation de la France ! Le Front national en profite tranquillement, se présentant comme le vrai opposant à l’islam. « Nos élus locaux » écrit-il «… font un travail remarquable sur le terrain pour tenter d'annuler les constructions de mosquées abusives. »
L’islamophobie est complexe et il en existe plusieurs variantes. Les revues de gauche manient le fantasme de l’intégriste afin de « défendre les femmes musulmanes », ou « défendre les musulmans laïcs ». Pour beaucoup, l’islam se réduit à quelques phrases réactionnaires tirées du Coran – on n’oserait jamais faire de même pour la Bible ! La culture musulmane est supposée monolithique et barbare. Les penseurs musulmans tels que Tarik Ramadan sont présentés comme tenant forcément un double discours (le fantasme de l’ « arabe fourbe » n’est pas loin derrière). Lors des exclusions de jeunes musulmanes des écoles, les concernées n’avaient même pas droit à la parole dans les médias. Comme l’écrit Vincent Geisser, « la crainte et la haine du musulman semblent avoir progressivement succédé à celles de ‘l’Arabe’, mêlant haine religieuse, racisme, et peur des nouvelles ‘classes dangereuses’, les jeunes de banlieue. » Et comme pour tout groupe visé par la discrimination on suppose que les musulmans sont tous les mêmes, qu’ils n’ont rien de valable à apprendre aux non-musulmans, etc...
L’absence d’une campagne quelconque contre l’islamophobie constitue une grave faiblesse de la gauche. Lors de la loi anti-foulard, l’essentiel du PS a soutenu la loi. La majorité des députés PCF a voté contre la loi, mais la division dans le parti a empêché toute opposition militante. Lutte Ouvrière était favorable à la loi . La LCR déclara son opposition à la loi (avec une position « contre la loi et contre le voile ») mais n’organisa aucune opposition militante, paralysée par ses divisions internes et refusant toute action commune avec des associations musulmanes ! Les organisations antiracistes et les syndicats étaient paralysés ou soutenaient les exclusions. Sans direction politique, les lycéens, pourtant généralement mécontents de l’exclusion de leurs camarades de classe, n’ont pas organisé leur défense.
Par la suite, les discriminations illégales qui interdisaient aux mères d’élève voilées d’accompagner des sorties scolaires n’ont pas rencontré d’écho dans les publications de la gauche radicale. Et lors de l’affaire des caricatures de Mahomet, provoquée par un journal danois de droite, l’ensemble des forces politiques françaises a soutenu sans nuance aucune le journal Charlie Hebdo qui voyait dans la publication de ces dessins racistes une simple affaire de liberté d’expression. Et on ne parle quasiment pas, dans la presse militante, des attaques contre des mosquées.
Il semble exister un consensus massif qui considère les musulmans comme suspects. Pour une bonne partie de la gauche, cette suspicion s’associe à une adhésion à la vision prétentieuse et ridicule d’une France porteuse de valeurs universalistes, agissant depuis des siècles pour le bien de l’humanité entière. Tout cela bien sûr en montrant une ignorance impressionnante sur le rôle des pays musulmans dans l’histoire ou dans le monde.................
Combattre l'islamophobie