Les médias en France présentent souvent les nombres de morts et de blessés en Egypte à cause de ce qu’ils
qualifient à tort de coup d’Etat militaire. Or, ignorent-ils que 36 millions de personnes étaient dans les rues le 26 juillet
pour demander la lutte contre les actes de terrorisme commis par les partisans du régime de Morsi ? Ce régime,
incapable de gérer le pays, nous a conduits en un an à une catastrophe économique sans précédent.
Les jeunes Egyptiens, entre 20 et 28 ans, ont pu récolter 23 millions de signatures authentifiées avec une pièce
d’identité pour prouver le rejet par le peuple de ce régime. La demande fut simple : une élection présidentielle
anticipée, alors que Morsi a été élu par 13 millions de voix seulement.
Ce sont ces jeunes que l’on considère comme les grands acteurs de cette deuxième vague de la révolution. L’armée
n’a fait que protéger et accompagner le peuple dans ses attentes … Les forces armées ont soutenu héroïquement le
peuple et non pas un régime politique corrompu comme cela a pu être démontré par les autorités des enquêtes
judiciaires.
Il est curieux que l’on parle d’un coup d’Etat militaire annoncé 3 mois à l’avance par les jeunes du mouvement
Tamarrod. Seule une lecture partielle et superficielle de ces événements les qualifie ainsi. On n’a jamais vu un coup
d’Etat militaire où l’armée ne gouverne pas, mais plutôt le président de la Haute Cour constitutionnelle. De plus, aucun
militaire, ni conseil militaire n’est au pouvoir hormis le ministre de la Défense.
La propagande puissante des Frères musulmans a diabolisé cette révolution populaire, comme elle a diabolisé
d’autres mouvements de protestation.
La terreur actuelle que l’on constate dans les rues de mon pays est devenue quotidienne. Les Frères musulmans ont
décidé de mener une véritable guerre contre le peuple qui s’est soulevé contre eux. C’est la réalité que les médias
français ne transmettent pas souvent.
Les mêmes médias dissimulent délibérément les faits suivants : Que les pro-Morsi rentrent dans un conflit armé
contre les forces de l’ordre et de sécurité en utilisant des armes de guerre. Qu’une partie du territoire est inaccessible
et occupée par des criminels hors-la-loi — pro-Morsi — qui utilisent la force et la violence pour soumettre ce territoire
à leur commandement. Que les pro-Morsi tuent des innocents qui ont eu le tort de croiser leur chemin dans la rue et
rien d’autre. Enfin, des menaces proférées publiquement contre les minorités coptes, bouc émissaire facile. Ainsi,
l’information donnée n’était pas complète.
Le plus déplorable dans les drames humains c’est notre manière partielle d’en parler. Or, nous avons eu droit depuis
le 30 juin aux invités, soi-disant spécialistes, détachés de la réalité quotidienne des Egyptiens, qui voient l’Egypte
depuis le boulevard Saint-Germain. Ils se permettent de juger nos pratiques et nos décisions selon leurs critères
formalistes. Ils veulent sauver la forme vide d’une démocratie hypothétique tout en sacrifiant ses valeurs
fondamentales.
La souveraineté d’un peuple — au cas où ils l’auraient oubliée — est le pouvoir de décider en dernier ressort, sans
recours à aucune instance supérieure … Elle est la compétence initiale de dire son dernier mot. Le peuple souverain
décide une fois pour toutes, il ne saurait être ni limité, ni opprimé, ni sous contrôle. Vouloir pour le souverain, c’est
déjà le nier ! Conditionner sa volonté, c’est déjà le trahir, décider à sa place, c’est anéantir tout sens de la démocratie.
La souveraineté du peuple égyptien ne saurait se transformer en représentation souveraine d’un peuple sous contrôle
!
Je n’ai pas souvent constaté dans la presse française une analyse politique qui tient compte de la volonté de ce
peuple magistralement exprimée 3 fois, le 30 juin, les 3 et 26 juillet. D’où ces commentateurs ont-ils donc tiré leur
conclusion ? On ne leur demande pourtant rien d’autre que de dire la vérité. La vérité de ce qui se passe en Egypte
est affreusement simple et humble, mais on lui préfère le mythe parce qu’il s’accorde aux passions, on lui préfère le
faux car le vrai irrite.
Les intellectuels invités dans les médias français n’ont pas encore compris que la splendeur de la fête en Egypte va
au-delà de leurs clichés. Il ne s’agit pas d’inventer la vérité, mais de s’y hisser et de s’y agripper … On y tient comme
on tient un mât au milieu des vagues déchaînées. Vouloir à tout prix réduire la complexité à la taille de leur esprit, voilà où se trouve la grande erreur !
Wagdi Sabète, 14-8-201317/08/13 AhramHebdo- Ladémocratie, expressiondelasouverainetéd'unpeuple
hebdo.ahram.org.eg/NewsContentPrint/4/132/3468.aspx 2/2