Kropotkine donne de nombreux exemples d’entraide dans le monde animal, parmi les scarabées, les crabes, les termites, les fourmis (…). Les exemples qui sont spécifiques à son étude concernant notamment l’aigle des steppes russes :
« Une observation déterminante est celle de Syevertsoff (zoologiste – ndlr) (…) un jour il vit un aigle d’une espèce grégaire (Haliactos albicilla) monter dans les airs pendant une demi-heure et tracer de grands cercles, puis soudain pousser un cri strident. Un deuxième aigle, puis un troisième etc. répondit au cri,, jusqu’à ce qu’une dizaine se rassemblèrent pour ensuite disparaître. Syevertsoff partit à leur recherche (…) et les trouva en grappe autour de la dépouille d’un cheval. Les aigles âgés, conformément à l’étiquette, s’étaient déjà servis (…) et montaient la garde pendant que les jeunes, entourés de corbeaux, ont mangé (…) Syevertsoff a conclu que lorsque ces aigles s’associent pour chasser (…) dès que l’un découvre une proie, il prévient les autres. »
« Fait heureux, la concurrence n’est point la règle que ce soit dans le règne animal ou chez l’Homme. Dans les espèces animales, se faire concurrence n’a lieu qu’à des moments exceptionnels (…) de meilleurs conditions sont crées (…) grâce à l’aide et le soutien mutuelles on ne se fait plus concurrence. Dans la grande lutte pour la vie – pour que la vie soit vécue dans toute son intensité, toute sa plénitude et avec la moindre déperdition d’énergie – la sélection naturelle cherche sans cesse des moyens d’éviter de se faire concurrence dans toute la mesure du possible. Les fourmis se concertent au moyen de nids et de nations ; ils font des réserves, ils élèvent du ‘bétail’ (…) la sélection naturelle ‘choisit’ les espèces de fourmi qui évitent le plus habilement de se faire concurrence avec tous ses effets délétères. »
« Lorsqu’arrive l’hiver la plupart de nos oiseaux s’en vont lentement vers le Sud, se rassemblent en d’immenses volées pour de grands voyages – et évitent de se faire concurrence. Les rongeurs sont nombreux à hiberner plutôt que de se faire concurrence ; d’autres rongeurs font des stocks de nourriture et forment de véritables villages pour se protéger l’un l’autre pendant leurs travaux. Lorsque les lichens à l’intérieur des terres deviennent secs, les rennes migrent vers la mer. Les buffles traversent un continent immense à la recherche de la nourriture. Lorsque les castors deviennent trop nombreux sur un fleuve, ils forment deux factions, les vieux descendant le fleuve, les jeunes le remontant, de sorte à ne pas se concurrencer. Mais lorsque les bêtes ne peuvent ni hiberner, ni migrer, ni faire des stocks, ni cultiver leur nourriture telles les fourmis, ils font comme le mésange (….) ils s’alimentent avec des formes nouvelles de nourriture, et ce, afin de ne pas se faire concurrence. »
Comment cela se traduit-il dans la société humaine ? Seraient-ce de simples observations sur les animaux dans des situation aussi extrêmes que l’hiver sibérien ? (…) Kropotkine écrit :
« La vie en commun serait impossible sans que n’éclosent des sentiments solidaires et surtout, un sens collectif de justice qui devient à la longue la coutume. Si chacun devait pousser son avantage sans que les autres n’interviennent pour la victime, aucune société, aucune vie ne serait imaginable. »