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ÉDITO - Routes de la soie : Pourquoi la Chine est prise au piège
La Chine fait face aux difficultés financières de dizaines de pays associés au projet des nouvelles routes de la soie. Pékin a été contraint de débourser plus de 200 milliards d’euros de prêts et de refinancement d’urgence.
Les fameuses routes de la soie chinoises, ces projets de routes terrestres et maritimes sur les cinq continents, sont en train de sombre. Lancé en 2013 par le président Xi Jinping, ce gigantesque projet d’infrastructures de
800 milliards d’euros devait
relier la Chine à toutes les parties du monde, y compris le pôle Nord. Il s’agissait de ressusciter les antiques routes de la soie du début de notre ère, qui ont servi pendant des siècles au commerce des biens, de l’argent, des techniques et des idées, confortant la suprématie chinoise. C’est au titre des nouvelles routes de la soie que la Chine a par exemple racheté le port du Pirée, en Grèce. Les projets initiaux allaient même jusqu’à l’atlantique français, avec comme point d’arrivée la ville de Brest. Dix ans plus tard, c’est plutôt la
déroute de la soie.
L’effondrement financier de dizaines de pays qui avaient contracté des prêts à Pékin, pour financer ces infrastructures. À cause de la hausse des taux d’intérêt, de la montée du cours des matières premières qui étrangle certaines économies, de l’appréciation du dollar qui a aussi renchéri certains emprunts et du management épouvantable des constructions, les routes, les ports, les ponts, les barrages, par les entreprises chinoises. Selon une étude de AidData et de la Harvard Kennedy School parue cette semaine, la Chine a dû débourser plus de
200 milliards d’euros de prêts et de refinancement d’urgence, dont la moitié sur les seules trois dernières années. Pékin a été contraint d’organiser
128 opérations de sauvetage financier, pour 22 pays.
La Chine premier créditeur planétaire
Le Sri Lanka, effondré par une crise de la dette. Le Bangladesh, dont le ministre des Finances conseillait l’été dernier aux pays candidats à des prêts de Pékin la plus grande des prudences. Mais c’est aussi l’Argentine, le Surinam, le Venezuela, la Turquie, l’Égypte… L’Ukraine, qui devait être une plaque tournante importante – inutile de dire que ça ne se fera plus. C’est bien simple, dans les dernières années, la Chine était devenue le premier créditeur planétaire pour les pays en développement, devant le FMI et la Banque mondiale.
L’idée était simple, il s’agissait de
faire travailler les entreprises de BTP chinoises dans le monde entier, en faisant payer les pays grâce à des prêts léonins des banques chinoises – les taux à 5% étaient courants, alors que les organismes internationaux prêtaient à 2. Du coup, ils ont construit n’importe quoi, ce qu’on appelle des éléphants blancs. Sans aucun souci environnemental, souvent avec des affaires de corruption. Une route sans destination construite au Monténégro pour un milliard de dollars, rapporte ainsi le
Financial Times. Un barrage en Équateur, installé tout près d’un volcan actif, sur lequel on compte déjà 7000 fissures. Un gigantesque port au Sri Lanka, construit dans la ville natale du président, surdimensionné et finalement saisi par les Chinois à cause d’impayés.
Les déboires vont mettre en coup de frein sur le déploiement de ces routes. Mais le projet de mettre en place une mondialisation alternative, subsiste lui, pour rivaliser avec les Américains, avec ou sans infrastructures. La
guerre d’Ukraine lui a même donné un coup d’accélérateur, puisque la Chine se présente désormais comme le maître du monde non occidental, et qu’elle est devenue le premier partenaire commercial de la Russie.
La Chine fait face aux difficultés financières de dizaines de pays associés au projet des nouvelles routes de la soie.
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