Aux premiers siècles de son existence, l'empire ottoman comptait encore une majorité de chrétiens (Slaves, Grecs, Arméniens, Caucasiens, Assyriens....). En Anatolie, au cœur de la Turquie actuelle, les chrétiens représentaient 30% à 40% de la population. Ils jouaient un grand rôle dans le commerce et l'administration, et leur influence s'étendait au
Sérail, le palais du sultan. (…)
Entre 1894 et 1896, comme les Arméniens réclament des réformes et une modernisation des institutions, le sultan en fait massacrer 200 000 à 250 000 avec le concours des
montagnards kurdes.
À Constantinople même, la violence se déchaîne contre les Arméniens du grand bazar, tués à coups de baton.
Un million d'Arméniens sont dépouillés de leurs biens et quelques milliers convertis de force. Des centaines d'églises sont brûlées ou transformées en mosquées... Rien qu'en juin 1896, dans la région de Van, au coeur de l'Arménie historique, pas moins de 350 villages sont rayés de la carte.
Ces massacres planifiés ont déjà un avant-goût de génocide.
L'Américain George Hepworth enquêtant sur les lieux deux ans après les faits, écrit :
« Pendant mes déplacements en Arménie, j'ai été de jour en jour plus profondément convaincu que l'avenir des Arméniens est excessivement sombre. Il se peut que la main des Turcs soit retenue dans la crainte de l'Europe mais je suis sûr que leur objectif est l'extermination et qu'ils poursuivront cet objectif jusqu'au bout si l'occasion s'en présente. Ils sont déjà tout près de l'avoir atteint » (
*).
En Europe, à Londres comme à Paris, les intellectuels et certains hommes politiques comme
Jean Jaurès se mobilisent contre ces massacres, les plus importants du XIXe siècle, aux dires de
Charles Péguy (qui oublie la
Chine). Mais les gouvernements se contentent de plates protestations.
Il est vrai que le
« Sultan rouge » fait le maximum pour dissimuler son forfait et paie même la presse européenne pour qu'elle fasse silence sur les massacres.
Abdul-Hamid II joue par ailleurs la carte de chef spirituel de tous les musulmans en sa qualité de calife. Il fait construire le chemin de fer du Hedjaz pour faciliter les pèlerinages à La Mecque. Il se rapproche aussi de l'Allemagne de Guillaume II.
Malgré ses efforts, il ne peut empêcher l'
insurrection des « Jeunes-Turcs ».
(…)