Un demi-siècle de mensonges et de secrets sur le paraquat, pesticide lucratif et poison violent
ENQUÊTEDevenu lanceur d’alerte, un ancien employé du producteur de cet herbicide révèle les manipulations visant à protéger la rentabilité de ce produit, lié à des dizaines de milliers de morts.
Le petit Américain a 15 mois quand, un jour de 2000, une bouteille colorée de Gatorade qui traîne là attire son attention. Mais au lieu du soda, elle contient du paraquat, un pesticide ultratoxique, qu’il boit. Les soins intensifs qui lui sont prodigués à l’hôpital n’y font rien. Après treize jours d’agonie, ses reins et son foie cessent de fonctionner. L’enfant meurt.
Longtemps après, en 2018, la lecture de cette « histoire vraie »,
sur le site de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), plonge Jon Heylings dans un profond désarroi. Ce récit-là et d’autres plus récents, aux Etats-Unis, au Costa Rica, en Inde et ailleurs. Car ce pesticide, le Britannique en a une connaissance intime. Près de Manchester, sur les paillasses du laboratoire central d’Imperial Chemical Industries (ICI), son fabricant, le scientifique a consacré la majeure partie de sa carrière à s’efforcer de le rendre moins dangereux. En 2008, il avait quitté la firme avec un sentiment de devoir accompli.
Mais le paraquat, constate-t-il dix ans plus tard, a continué à tuer.
« Et là, j’ai pensé : “***** !” » Ses efforts n’ont-ils donc servi à rien ?, se demande Jon Heylings, d’ordinaire fort courtois, les cheveux blancs traversés par la lumière qui baigne son bureau. Petit à petit, l’idée de s’exprimer fait son chemin et le scientifique de 65 ans, qui se décrit comme un
« employé modèle », est aujourd’hui déterminé à raconter son histoire.
Le Monde, en collaboration avec le site d’investigation américain
The Intercept, a recueilli sa première prise de parole publique, lors d’un long entretien en ligne.
Notre enquête s’appuie aussi sur plus de 350 documents internes à ICI, société devenue Zeneca puis Syngenta, obtenus à la suite d’une procédure de divulgation («
discovery »), liée à un procès intenté contre Syngenta aux Etats-Unis par des personnes ayant développé la maladie de Parkinson, une pathologie incurable qui affecte le contrôle des mouvements, à la suite d’une exposition au paraquat. Une trentaine de documents supplémentaires proviennent d’une enquête conjointe des organisations environnementales Public Eye et Greenpeace Unearthed.
Un carnet comme point de départ
Le procès, qui devrait commencer en mai, a beau porter sur la maladie de Parkinson, il inclura aussi une autre facette du paraquat : celle d’un poison extraordinairement toxique, sans antidote connu.
« Des dizaines de milliers de personnes » sont mortes empoisonnées au paraquat depuis sa mise sur le marché dans les années 1960, a indiqué au
Monde Michael Eddleston, professeur de toxicologie clinique à l’université d’Edimbourg (Ecosse).
« Probablement plus de 100 000. »
La suite est réservée aux abonnés
Source
Devenu lanceur d’alerte, un ancien employé du producteur de cet herbicide révèle les manipulations visant à protéger la rentabilité de ce produit, lié à des dizaines de milliers de morts.
www.lemonde.fr
Pour ceux qui veulent en savoir plus vous pouvez vous diriger vers le site The Intercept
A former Syngenta scientist calls the failure to heed his warnings about the deadly pesticide paraquat “a conspiracy within the company to keep this quiet.”
theintercept.com