Les fillettes musulmanes doivent aller à la piscine
Religion La Cour européenne confirme l’absence de dispense pour motif religieux. La décision est saluée, y compris chez les musulmans.
Tout le monde doit participer aux cours de piscine, y compris les jeunes filles musulmanes. A Strasbourg, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a confirmé mardi le jugement de la Suisse, qui refusait d’accorder une dispense de natation pour motifs religieux.
L’affaire débute en 2010. Les parents d’une famille turque établie à Bâle refusent que leurs deux aînées, à l’époque âgées de 11 et 9 ans, participent aux cours de natation obligatoire de leur école sous prétexte que ceux-ci sont mixtes. L’école refuse. Déjà, la législation de Bâle-Ville ne permet de dispense à des élèves qu’à partir de leur puberté. L’école a en outre proposé des mesures permettant de rendre cet enseignement plus acceptable aux yeux des parents, notamment en suggérant le port du burkini et en assurant des vestiaires séparés.
Les parents n’en démordent pas: leurs droits parentaux sont bafoués. Selon eux, le port du burkini ne représente pas une solution mais un risque de stigmatiser leurs filles. Et même si le Coran ne prescrit de couvrir le corps féminin qu’à partir de la puberté, leur croyance leur commande de préparer leurs filles aux préceptes qui leur seront appliqués.
Les parents sont condamnés à payer 1400 francs pour n’avoir pas présenté leurs filles à la piscine. La CEDH leur donne tort en dernier recours: pour elle, l’égalité des chances et des sexes doit primer, ainsi que l’intégration des enfants étrangers. Une dispense irait à l’encontre de ces buts.
Le Conseil central islamique suisse (CCIS) ne s’attendait guère à un autre verdict. «Le CCIS a toujours considéré les chances de ce procès comme faibles, commente son porte-parole Qaasim Illi. Nous considérons néanmoins que contraindre quelqu’un à participer à des cours de natation n’est ni efficace, ni conforme à l’esprit d’un Etat libéral.»
Pour Doris Angst, membre du comité de la campagne de défense des droits humains «Facteur de Protection D», «l’Etat n’impose pas une pratique, il garantit une égalité de traitement pour tous.» «D’ailleurs, le jugement règle la question des dispenses à titre religieux une fois pour toutes et sans distinction de religion, qu’on soit musulman, juif orthodoxe ou catholique fondamentaliste», se réjouit cette ex-directrice de la Commission fédérale contre le racisme (CFR). «La décision a été prise dans l’intérêt des enfants, ajoute-t-elle. Apprendre à nager est inscrit dans le programme scolaire et chacun doit pouvoir bénéficier de cet enseignement.»
Favoriser le dialogue
C’est aussi l’avis de l’Union vaudoise des associations musulmanes (UVAM). «Il est important que tous les enfants suivent le même cursus scolaire et que chacun apprenne à nager», appuie son porte-parole Pascal Gemperli. Sur la forme, l’UVAM regrette que l’affaire ait été aussi loin. «Il faut privilégier le dialogue entre les parties et éviter les tribunaux. Nous gérons des cas similaires, à l’exemple de ce père qui ne voulait pas que sa fille participe à un camp. Nous sommes intervenus avec l’imam et avons trouvé un terrain d’entente. C’est ce type de démarche qu’il faut favoriser.»
Dans ce contexte tendu pour la communauté musulmane, Pascal Gemperli appelle de ses vœux des concessions des deux côtés. «La pudeur est propre à chacun, qu’elle dépende ou non de la religion. Un maillot de bain avec un tissu plus long pour ceux qui le souhaitent devrait être autorisé.» Pascal Gemperli constate une forme de crispation de la société face aux signes religieux, surtout musulmans. «On trouve dans chaque religion des personnes qui sont plus orthodoxes que d’autres, tient-il à souligner. Les musulmans, au contraire des chrétiens ou des juifs, ne possèdent pas d’école privée. Des histoires comme le refus de serrer la main d’un professeur arrivent aussi dans ces institutions privées, mais elles sont moins visibles. Cela donne l’impression au public que les musulmans sont plus orthodoxes que les autres, mais cette idée ne reflète pas la réalité.» (24 heures)